En 2005, les dirigeants des partis socialistes et social-démocrates affirmaient qu’il fallait ratifier la « Constitution » européenne comme étape nécessaire à la construction ultérieure d’une « Europe sociale ». Cette « Constitution », rejetée en France et aux Pay-Bas, a été ressuscitée, avec le même contenu, sous la forme du traité de Lisbonne. Et les socialistes et social-démocrates continuent imperturbablement à tenir le même discours. Ou bien ils n’ont pas lu ces textes ou bien ils abusent les citoyens.
Ainsi, dans le traité, sont maintenus les articles interdisant (grâce à la règle de l’unanimité) toute harmonisation sociale autrement que par le marché. Un euphémisme pour désigner le dumping social encouragé par l’élargissements de 2004 et 2007 à des pays aux coûts salariaux très inférieurs à la moyenne communautaire. De même est interdite toute restriction à la liberté de circulation des capitaux qui, entre autres ravages, a permis la contamination de l’ensemble du système financier international par les titres « pourris » incorporant des crédits hypothécaires américains (les sub-primes).
Quelques affaires récentes montrent que l’ « Europe sociale » est un mirage qui se dérobe en permanence, tout simplement parce que les traités européens la subordonnent à ces « libertés », inscrites dans le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union [1] , que sont « la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement ». Ce à quoi il faut bien entendu ajouter la « concurrence non faussée » (protocole additionnel n° 6 du traité de Lisbonne). Pour faire appliquer ces priorités, la Commission, le Conseil et la Cour de justice de Luxembourg rivalisent de zèle.
Ainsi, en novembre dernier, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), M. John Monks, a remis au président de la Commission, M. José Manuel Barroso, une pétition de 510 000 signatures réclamant une directive sur les services publics. Réponse brutale : « non ». Et comme la Commission a le monopole, confirmé par le traité, de l’initiative législative, cette revendication-phare des socialistes et social-démocrates va directement à la poubelle.
Le Conseil, pour sa part, sous l’impulsion du Royaume-Uni, a bloqué deux projets de directives : l’une sur la limitation à 48 heures de la durée hebdomadaire du travail, l’autre sur l’octroi aux travailleurs intérimaires des mêmes droits que ceux des travailleurs permanents.
Enfin, en décembre dernier, la Cour de justice s’est illustrée par deux arrêts . Au nom de la liberté d’établissement, elle a donné raison à la société finlandaise de ferries Viking Line qui voulait se délocaliser en Estonie pour payer des salaires estoniens et non pas finlandais. Par ailleurs, au nom de la liberté de prestation des services, elle a fait droit à la plainte
de la société lettone Laval qui, dans un chantier de construction d’une école en Suède, entendait verser des salaires lettons et non pas suédois.
Vous avez bien dit Europe sociale ?