La politique extérieure d’un pays est le reflet de sa politique intérieure. Le VIIe Sommet des Amériques qui se tiendra [le 10 et le 11 avril] dans la ville de Panamá s’inscrira dans une tradition vieille de deux siècles durant lesquels les pays de l’hémisphère ont tenté, sans grand succès, de créer un système politique propre, en signant des accords et des alliances internationales. Le « Congrès de Panamá [1] », convoqué précisément dans la ville de Panamá par Simon Bolivar en 1826, avait comme objectif de sceller l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines et d’empêcher le retour des puissances européennes.
Les gouvernements latino-américains actuels ont l’intention de s’appuyer sur l’édition 2015 du Sommet des Amériques pour consolider un système qui respecte leur souveraineté et l’autodétermination de leurs peuples. La décision de Cuba de participer à ce sommet organisé sous les auspices de l’Organisation des Etats américains (OEA) a renforcé l’importance de la rencontre. Tout laissait croire que les relations entre l’ile des Caraïbes et les Etats Unis entraient dans une nouvelle phase. Pour la première fois en cinquante-cinq ans, les présidents des deux pays seraient ensemble à la même table.
Cependant, les Etats Unis ont décidé de jouer une carte qui a mis en danger le système que construisent les pays de la région. A quelques jours du Sommet, le président Barack Obama a ainsi déclaré que le Venezuela représentait un danger pour « la sécurité nationale et la politique étrangère » de son pays. L’agressivité d’Obama contraste avec le discours qu’il a prononcé le 17 décembre 2014, simultanément avec le président cubain Raul Castro, dans lequel il soulignait que les différences entre les deux pays ne pourraient se résoudre par la force ou par le mensonge.
La « déclaration de guerre » de Washington contre le gouvernement de Nicolas Maduro a été qualifiée d’intromission grossière par les gouvernements et par divers secteurs sociaux de toute la région latino-américaine. L’annonce d’Obama a été faite quelques jours après la tentative de coup d’Etat contre la Révolution bolivarienne préparée en Colombie, avec le soutien des Etats-Unis.
A la Maison Blanche s’est mise en marche, il y a plus de quinze ans – lorsque le président Hugo Chavez était en vie –, et par des moyens non démocratiques, une stratégie visant un « changement de régime » au Venezuela. Malgré tous ses efforts, Washington n’a pas réussi à obtenir ce résultat. Au second semestre de l’année 2015, le pays de la Révolution bolivarienne connaîtra des élections qui permettront aux forces politiques polarisées de mesurer leur soutien au sein de la population.
La tactique employée par Washington contre Caracas est assez proche de l’action de déstabilisation qu’il a développée contre le Panamá il y a vingt-cinq ans, avant d’envahir militairement l’isthme. L’offensive nord-américaine actuelle mise sur le sabotage économique, la mobilisation d’extrémistes qui utilisent des tactiques terroristes, et la division des forces armées de la Révolution bolivarienne.
Les Etats-Unis vont promouvoir une politique de division au Sommet. Tandis que les pays les plus progressistes promeuvent l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), la première puissance mondiale mettra en avant l’Alliance du Pacifique. Washington a par ailleurs renforcé sa présence militaire dans la région. Il a occupé militairement des pays tels que le Mexique et la Colombie. Ses troupes se déplacent en toute liberté au Honduras et en Haïti. Il dispose de bases militaires au Chili, au Pérou et au Paraguay. Quant au Panamá, il y a construit douze bases aéronavales sur les côtes du pays.
Il y a quelques mois, le discours d’Obama sur la nouvelle politique envers Cuba semblait prometteur. Aujourd’hui, après ses déclarations sur le Venezuela, une chose est certaine : le Sommet de Panamá ne se déroulera pas dans un contexte d’acceptation de l’impunité nord-américaine, comme cela fut le cas tout au long du XXème siècle. Sur les plans politique et économique, les Etats-Unis ont perdu leur hégémonie.
Ce pays semble croire que la seule option dont il dispose en Amérique latine au XXIème siècle est l’imposition de sa force militaire. Pour corriger ce chemin erroné, Barack Obama devrait arriver au Sommet porteur d’un discours de promotion de la coexistence et d’actions qui confirment cette option. L’ancienne Alliance pour le Progrès [[Note de l’éditeur : Lire les archives du Monde diplomatique consacrées à cette initiative lancée en 1961 par le président John F. Kennedy pour contrer l’influence de Cuba et du communisme en Amérique latine : http://www.monde-diplomatique.fr/1962/12/A/25093] appartient au passé. Aujourd’hui, Washington devrait proposer une nouvelle politique d’échanges commerciaux, de paix et de recherche de solutions pour les migrants latino-américains qui cherchent un emploi sur le territoire nord-américain.
Sur le plan commercial, les Etats-Unis doivent abandonner leur prétention d’exploiter les richesses des pays de la région, surtout celles du Venezuela. En matière de paix, Washington doit déclarer l’hémisphère libre du militarisme et démanteler ses bases à Guantanamo, en Haïti, au Honduras et en Colombie. De même, les Etats-Unis doivent rappeler leurs « conseillers » militaires installés au Panamá, au Costa Rica, au Chili et au Pérou. Le Sommet de Panamá révélera l’existence d’une crise du système des relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine qui devra se lire au travers des changements à venir dans la politique extérieure de Washington envers la région.
Marco A. Gandásegui est professeur de sociologie à l’Université de Panamá et chercheur associé du Centre d’études latino-americaines Justo Arosemena (CELA)
www.marcoagandasegui14.blogspot.com, www.salacela.net
Source : Alai, 26 mars 2015, http://alainet.org/es/articulo/168465