Au moins huit fois la gauche est arrivée en finale d’une campagne électorale au Mexique avec la possibilité de la remporter. Mais plusieurs fois la fraude est venue lui enlever cette victoire.
Le parti-Etat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) a survécu en dehors du gouvernement pendant deux mandats, mais il est revenu au pouvoir. Même s’il sort affaibli de ce dernier mandat, qui a été un échec, il garde le pouvoir d’imposer par la force un résultat, comme il vient de le faire dans l’élection du gouvernement de l’Etat de Mexico.
Mais le PRI ne peut plus tout contrôler. Premièrement, il a perdu deux fois face à son proche cousin, le Parti d’action nationale (PAN). Deuxièmement, il se présente à l’élection à venir (1er juillet 2018) trop affaibli par l’échec du gouvernement de Enrique Peña Nieto. Il a donc décidé de faire un pas de côté et de choisir un économiste néolibéral typique, qui a servi aussi bien le gouvernement du PAN qu’actuellement celui du PRI, comme candidat extérieur au parti, mais parfaitement intégré aux élites économiques et financières : José Antonio Meade.
Dans le bord opposé du même camp, le PAN a réussi à imposer le président de son parti, Ricardo Anaya, comme candidat d’une alliance formée avec ce qui reste du Parti de la révolution démocratique (PRD), l’ancienne formation représentant la gauche.
Il s’agit de deux appareils politiques disposant chacun de plusieurs gouverneurs en province et d’importants groupes parlementaires prêts à se mobiliser pour savoir qui d’entre eux sera en meilleure condition pour affronter le candidat de la gauche, Andrés Manuel López Obrador.
López Obrador se lance pour sa troisième campagne présidentielle, en se situant au centre de l’espace de la gauche, qu’il occupe d’ailleurs depuis au moins 20 ans, c’est à dire depuis qu’il a remplacé Cuauhtémoc Cárdenas comme candidat du PRD à la présidence du Mexique, et maintenant comme candidat de son propre parti, le Mouvement de régénération national (Morena).
C’est un candidat modéré, que le New York Times qualifie comme plus proche de Lula que d’Hugo Chávez, même s’il est considéré par la droite, comme tout candidat progressiste d’ailleurs, comme « chaviste » et « bolivarien ». Proposant un programme économique classique, il a mis la lutte contre la corruption au centre de son programme de gouvernement.
Comme dans le passé, López Obrador est en tête dans les sondages et bénéficie même du souvenir (recall) qu’il a laissé lors des élections précédentes. Il est donc la victime privilégiée des attaques de la droite et de ses médias, mais un peu moins qu’auparavant parce qu’il est, justement, donné favori par les sondages.
D’autres éléments favorables à López Obrador sont les soutiens qu’il récolte auprès de chefs d’entreprise et d’hommes politiques liés au PRI et au PRD, et l’annonce d’une équipe ministérielle. Ceci, ajouté à l’alliance passée avec un parti religieux fondamentaliste, a provoqué des critiques à l’intérieur même de la gauche, sans pour autant toucher sa place de favori.
Pour sa part, la dirigeante indigène candidate du « zapatisme » María Jesús Patricio, plus connue sous le nom de « Marichuy », n’arrive pas à réunir les signatures nécessaires à l’officialisation de sa candidature. De cette difficulté, López Obrador peut aussi tirer bénéfice.
Mais ce qui peut s’avérer déterminant, c’est la division et l’affaiblissement des deux partis traditionnels. Peña Nieto a échoué à incarner le renouveau du PRI ; le PAN, toujours allié avec ce qui reste du PRD, semble ne pas avoir assez de force pour affronter López Obrador, même s’il peut compter avec le soutien de la plupart de la droite mexicaine, très préoccupée par une possible victoire de López Obrador.
Mais le principal adversaire de ce dernier, c’est la fraude, qui a plusieurs reprises ces dernières décennies, a empêché la victoire de la gauche.
Celui qui sera élu, même s’il n’est pas de gauche, devra faire face à Donald Trump, à sa politique hostile au Mexique et à l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), ainsi qu’à sa volonté de construire un mur entre les deux pays et d’expulser les migrants. Le futur président devra probablement se tourner vers l’Amérique latine pour y reconstruire des alliances, surtout si Lula redevient président du Brésil.
L’année 2018, avec ses élections au Mexique, au Brésil, en Colombie et au Venezuela notamment, pourrait être celle qui permette à la gauche de récupérer l’initiative et de se renforcer sur le tout le le continent.
Cet article a été publié le 9 janvier 2018 sur le site Alai : https://www.alainet.org/es/articulo/190234
Traduction : Rosa Gutierrez