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Chronique - Août 2009

Il reste des eurodéputés de gauche chez les socialistes et les Verts …

vendredi 14 août 2009   |   Bernard Cassen
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Existe-t-il encore une gauche de gouvernement en Europe ? La réponse est non, si l’on considère que des politiques de gauche doivent d’abord viser à une distribution plus équitable des richesses, à la diminution des inégalités, à la défense des droits des salariés, au renforcement des services publics, entre autres. Autant de domaines où la social-démocratie européenne a lamentablement failli. Au point que, pour beaucoup de citoyens, elle a perdu toute utilité sauf, à la limite, pour des questions de société ( comme le mariage homosexuel) qui ne sont ni de droite ni de gauche, mais qui provoquent l’hostilité des secteurs ultraréactionnaires, notamment dans l’Eglise catholique.

C’est la construction européenne qui a abouti à ce résultat. C’est la crise systémique actuelle qui l’a confirmé, et ce sont les élections européennes de juin dernier qui l’ont spectaculairement illustré.

Pour la social-démocratie, l’Europe est devenue une idéologie de substitution à un socialisme auquel elle a renoncé, et la forme accomplie de l’internationalisme. Pour construire cette Europe-là, les sociaux-démocrates ont consenti tous les sacrifices politiques et promu des traités (comme celui de Lisbonne) qui imposent des politiques libérales à tous les gouvernements, qu’ils se réclament de la gauche ou de la droite. La couleur politique de la majorité au pouvoir n’a pratiquement aucune importance, et le symbole le plus significatif en est le gouvernement de « grande coalition » allemand d’Angela Merkel : après avoir géré ensemble le pays, la social-démocratie ( SPD) et la démocratie chrétienne (CSU-CDU) vont s’affronter de manière factice devant les électeurs le 27 septembre prochain. Qui peut prendre leurs divergences au sérieux ?

La social-démocratie européenne n’a vraiment pas eu de chance : c’est au moment où elle parachevait sa conversion idéologique au système néolibéral que ce système voyait ses bases s’effondrer ! Et, par une de ces ironies dont l’histoire a le secret, les gouvernements – et d’abord ceux de droite, comme celui de Nicolas Sarkozy – se sont mis à employer des mots comme « nationalisation » ou « régulation » qui ne faisaient plus partie depuis longtemps du lexique socialiste. On a assisté à un véritable chassé-croisé : la social-démocratie est venue s’ enliser dans un corpus libéral désormais discrédité, alors que ses adversaires supposés faisaient le chemin inverse et reprenaient (provisoirement) à leur compte des idées jadis considérées de gauche. Dans ces conditions, on risque d’attendre longtemps une réponse spécifiquement social-démocrate à la crise…

Les élections au Parlement européen ont presque partout sanctionné les partis sociaux-démocrates. Sans tirer les leçons de cet échec, sans prendre le temps de reconstruire un projet, et en reniant leurs engagements électoraux, ils ont reconduit le système de cogestion du Parlement avec la droite du Parti populaire européen (PPE). Outre le partage des postes clés, ils se sont mis d’accord sur deux ans et demi de présidence pour le neolibéral polonais Jerzy Buzek, puis deux ans et demi pour le futur candidat de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (nouvelle appellation du groupe parlementaire des socialistes européens). Jerzy Buzec a été élu le 14 juillet par tous les groupes de droite, les socialistes (sauf les Français) et les Verts, avec 555 voix sur 644.

La surprise est venue du score obtenu par la candidate du groupe GUE/NGL, qui rassemble diverses sensibilités de gauche et écologiques,la Suédoise Eva-Britt Svensson. Elle a obtenu 84 voix, alors que son groupe ne comprend que 35 membres. Sur un total de 249 socialistes et Verts, ll y a donc encore au moins 54 eurodéputés de gauche …





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