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Au Sénégal, Abdoulaye Wade lâché par ses parrains français et américains

mardi 14 février 2012   |   Demba Moussa Dembélé
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Après les déclarations des représentants du Département d’Etat des Etats-Unis, et celles de M. Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères, on a vu M. Sérigne Mbacké Ndiaye, porte-parole du président Abdoulaye Wade, et Me Madické Niang, ministre des affaires étrangères, se relayer pour fustiger l’ingérence de la France et des Etats-Unis dans le processus électoral au Sénégal et en appeler au « patriotisme » des leaders de l’opposition pour condamner cette intrusion. Me Madické Niang ajoutera même que le Sénégal est un « pays souverain » qui n’acceptera « aucun diktat »…

Une servilité mal récompensée
On peut penser que ces déclarations traduisent la grande amertume que leur patron, le président Wade, a dû ressentir. Voilà un homme « complexé de la tête aux pieds », comme aime à le dire M. Amath Dansokho - l’un des hommes politiques sénégalais qui le connaît le mieux -, et dont tous les faits et gestes, tout le comportement, toutes les déclarations et prises de position visent à plaire aux dirigeants occidentaux, surtout Barack Obama et Nicolas Sarkozy.
Tous les prétextes sont bons pour soutenir leurs politiques en Afrique et ailleurs dans le monde, même au détriment des intérêts fondamentaux du Sénégal. En témoignent la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, la position ambiguë du Sénégal sur l’admission de la Palestine à l’ONU, le soutien inconditionnel à Sarkozy dans sa guerre contre le régime de Gbagbo en Côte d’Ivoire. Les limites de la servilité seront franchies avec la trahison du colonel Kadhafi et de la position de l’Union africaine sur l’agression impérialiste de l’OTAN contre la Libye

Pendant que l’Afrique cherchait à arrêter cette agression, Wade lui, préféra se mettre au service de celle-ci et « lâcher » Kadhafi dont il avait pourtant été l’un des courtisans les plus zélés. Le monde se souvient de son voyage à Benghazi pour aller soutenir les « rebelles » libyens, alors que l’OTAN était en train de détruire le pays et cherchait à assassiner le colonel et sa famille. Le voyage de Benghazi avait été préparé à partir de Paris, et Wade et son fils avaient été accompagnés par des avions de combat français. C’est le seul chef d’Etat qui se soit rendu en Libye avant la fin de la guerre !

Allant toujours plus loin dans la soumission à ses « amis » occidentaux, Wade avait déclaré, lors d’un déplacement à Paris, que, contrairement aux autres chefs d’Etat africains, il était favorable au « droit d’ingérence » contre les « dictateurs » qui répriment leurs peuples. Tant qu’il s’agissait des autres, tout allait bien. Mais voilà que ce « droit d’ingérence » lui tombe sur la tête comme une massue : comme les autres dictateurs, il est en train de réprimer son peuple qui lui demande tout simplement de respecter la Constitution. Il a déjà sur la conscience la mort de 6 personnes et plusieurs dizaines de blessés. Malgré tout cela, il croyait avoir droit à un traitement « spécial », vu sa carrière de larbin au service de l’Occident. C’est pourquoi Abdoulaye Wade doit certainement vivre les injonctions de la France et des Etats-Unis comme un véritable coup de poignard dans le dos.

L’impérialisme n’a pas d’amis
Ainsi donc, le président Wade apprend-il à ses dépens que l’impérialisme n’a pas d’« amis », surtout dans les pays dominés. Aussi longtemps qu’il pouvait servir les intérêts géostratégiques, économiques et politiques de la France et des Etats-Unis, il avait droit aux sourires convenus et pouvait se prévaloir de leur « amitié ». Mais aujourd’hui qu’il est rejeté par la majorité de son peuple, que son régime est à bout de souffle, il ne peut plus leur être utile. C’est pourquoi ils lui montrent la porte dans le but de sauver leurs intérêts au Sénégal et dans la sous-région.

Les Sénégalais ne sont pas dupes : ils savent bien que les déclarations des Etats-Unis et de la France, demandant le départ de Wade, n’ont rien à voir avec la défense de la démocratie ou des droits de l’homme. Ce qu’ils craignent, c’est la déstabilisation de la sous-région, consécutive à des troubles graves qui pourraient se produire au Sénégal en raison de l’entêtement de Wade. C’est pourquoi ils pensent que la « stabilité » passe par le départ du président sortant. Mais, dans leur jargon, « stabilité » veut tout simplement dire rester dans le giron de l’impérialisme occidental et continuer à servir ses plans.

Ni au Sénégal, ni en Côte d’Ivoire, ni en Libye, ni en Egypte les interventions des Etats-Unis et de la France, tout comme celles des autres pays occidentaux, n’ont été motivées par les droits de l’homme ou la démocratie. L’impérialisme est un système tyrannique et cynique qui n’hésite pas à semer partout la terreur et la mort pour atteindre ses objectifs. Il n’utilise le langage des droits de l’homme et de la démocratie que comme instrument de propagande au service de sa stratégie de domination et de contrôle des ressources de la planète.

Un régime aux abois
Les gesticulations des porte-parole de Wade traduisent le profond désarroi d’un régime et d’un homme lâché par ses principaux protecteurs occidentaux. Il avait nourri l’illusion d’obtenir leur soutien, ou du moins leur « compréhension », dans son ambition insensée de placer son fils à la tête du Sénégal. C’est l’échec de ce projet qui l’a conduit à vouloir violer la Constitution en briguant un troisième mandat. Il croyait pouvoir compter sur Sarkozy et Obama pour faire accepter cette violation et organiser un coup d’Etat électoral pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de son peuple.

Un journal sénégalais a écrit récemment que le voyage de Wade à Benghazi et sa trahison de Kadhafi avaient pour contrepartie un tel soutien. Désormais lâché par ses parrains et vomi par la majorité des Sénégalais, le président Wade doit se rendre à l’évidence : son régime est fini, bien fini, quoi qu’il arrive, quoi qu’il fasse.





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