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Venezuela : ces médias qui sacrifient l’information à l’idéologie

samedi 9 février 2019   |   Philippe Arnaud
Lecture .

Le 2 février dernier, j’ai regardé au journal télévisé de 20 heures de France 2 les informations sur le Venezuela.


1. Ces informations prennent la forme d’une présentation entièrement en faveur de Juan Guaido :

  • l’annonce de la défection d’un général d’aviation au profit de Guaido qui, selon Dorothée Olliéric, la journaliste envoyée spéciale de la chaîne à Caracas, aurait galvanisé la foule ;
  • la déclaration de ce général selon lequel 90 % des militaires seraient « pour le peuple » ;
  • un reportage où « flotte un air de liberté »  ;
  • une interview d’une manifestante anti-Maduro qui s’exprime en français, ce qui, pour un public français, vise à inspirer de la sympathie pour sa cause, etc.

Le couronnement de cette information n’est cependant pas là. Laurent Delahousse, le présentateur du 20 heures, et Dorothée Olliéric parlent de deux manifestations : l’une pour Guaido, l’autre pour Maduro. On s’attend donc, après le reportage sur les partisans de Guaido, à voir le reportage équivalent sur les partisans de Maduro. On l’attend toujours...

2. Au journal télévisé de 20 heures du 3 février, nouveau sujet sur le Venezuela. Dorothée Olliéric, la journaliste de France 2, souligne que, derrière Nicolas Maduro, il y a la Russie, la Turquie, l’Iran, la Chine. Cette énumération est révélatrice à deux titres :

  • elle met en avant des pays que les médias français s’ingénient, à longueur d’émissions, à présenter comme antipathiques, car dictatoriaux, envahisseurs, comploteurs, amasseurs d’armes et d’arsenaux, prêts à fondre sur d’innocents voisins. Le Venezuela, est mis au même banc d’infamie qu’eux.
  • elle « oublie » de mentionner les pays latino-américains qui soutiennent Nicolas Maduro, à savoir la Bolivie, Cuba, le Nicaragua et, à sa manière, le Mexique qui a refusé de se joindre à la coalition dirigée par Donald Trump. Cette « omission » fait mauvais effet car elle signale que ce ne sont justement pas tous les pays latino-américains qui soutiennent Juan Guaido. 

3. Sur le site de l’hebdomadaire Le Point, un billet est titré : « Nicolas Maduro défie l’Occident ». Bien que les régimes communistes aient disparu avec la chute de l’URSS, en 1991, Le Point n’en reprend pas moins un vocabulaire de guerre froide, lorsque, au camp « de l’Est » (c’est-à-dire celui du « communisme », donc du Mal...), s’opposait celui de « l’Occident » (c’est-à-dire du Bien). Ainsi, malgré l’apparition d’un nouvel « adversaire », d’un nouveau « péril » (l’islamisme), tout ce qui peut évoquer le « communisme » honni représente encore un épouvantail.

Le titre du Point est révélateur d’une certaine outrecuidance : il y est dit que Nicolas Maduro « défie » l’Occident, comme on dit d’un bandit retranché qu’il défie la police, comme si l’Occident (c’est-à-dire les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, l’Autriche – soit, en gros, à part l’Autriche, le cœur de l’OTAN) représentait dans le monde l’autorité morale et juridique suprême, en lieu et place de l’ONU.

En quoi Nicolas Maduro devrait-il rendre des comptes à cet « Occident » ? Quelle est l’autorité morale de cet « Occident » ? En quoi cet Occident a-t-il reçu un quelconque mandat de l’ONU pour faire la leçon à Nicolas Maduro ? Où sont les résolutions de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité allant en ce sens ? Qui a délégué à l’ « Occident » le rôle de justicier et de policier du monde ? 

Lorsque Israël passe outre à un vote quasi unanime de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant sa colonisation de la Cisjordanie, on n’a guère vu Le Point titrer : « Israël défie l’ONU »...

 





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