A quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, la tension est montée d’un cran supplémentaire, dans une ambiance déjà électrique. A la veille des élections, les rumeurs se propagent au-delà des reliefs vallonnés de Tegucigalpa. Les relais d’information constitués par les acteurs des sociétés civiles nationales et internationales répercutent incessamment les dernières nouvelles susceptibles de constituer un intérêt pour les défenseurs des droits de l’homme, à l’affût de signes de fraude électorale. Fébriles, ils notent consciencieusement les moindres détails d’un puzzle aux pièces encore éparpillées pour le moment, dont le motif, une fois assemblé, révèlera sa forme finale.
Des observateurs observés
Parmi les pièces saillantes de ce casse-tête, d’aucuns retiennent le traitement peu amical réservé aux observateurs internationaux par les agents de la migration hondurienne. Tout a commencé hier, vendredi 22 novembre, lorsqu’à deux reprises dans l’après-midi, des agents des services de migration honduriens se sont présentés dans la ville d’El Progreso, dans le centre où les observateurs internationaux d’origine nord-américaine membres des organisations Honduras Solidarity Network (HSN) et Alliance for Global Justice (AGJ) venaient d’être formés à la mission qui leur incombera dimanche 24 novembre. Les observateurs internationaux sont pourtant détenteurs d’accréditations officielles émises par le Tribunal suprême électoral (TSE), autorité en charge des élections. Les agents sont finalement repartis, non sans avoir déclenché une première tempête sur les réseaux sociaux, allant même jusqu’à attirer l’attention de l’ambassade américaine elle-même. Mais l’effarement a été d’autant plus grand lorsqu’en cette matinée du samedi 23 novembre, une femme et quatre hommes armés et vêtus de cagoules se sont introduits dans l’hôtel Aurora, accompagnés de trois agents de la migration, afin de contrôler les documents de séjour de membres d’une délégation d’observateurs d’origine sud-américaine. Parmi eux, se trouvaient plusieurs membres du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) salvadorien. Ces quelques exemples de stratégies d’intimidation mises en œuvre au cours des derniers mois par les autorités honduriennes à l’attention des observateurs internationaux reflètent à quel point ces derniers sont considérés comme des invités indésirables.
Portrait-robot d’une fraude fantôme
Il existe un lien entre la manière dont sont traités les observateurs internationaux et celle dont sont traités les droits de l’homme en général au Honduras. Et ce, dans un contexte où le « fantôme de la fraude et de la violence politique » est dans tous les esprits, comme l’a formulé Wilfredo Mendez (président du Centre d’investigation et de promotion des droits de l’homme) à la veille des élections. De nombreuses irrégularités ont en effet été dénoncées au cours des derniers mois. Les médias, les membres de la mission d’observation de l’Union européenne (UE), les membres de la délégation de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), et en premier lieu les citoyens honduriens eux-mêmes, ont témoigné de mécanismes irréguliers dans le cadre préélectoral. Aujourd’hui ( 23 novembre), lors d’une conférence de presse, les membres de la FIDH ont rapporté leurs préoccupations quant aux faiblesses du système de transmission des résultats, notamment s’agissant des réseaux de télécommunication (souffrant de coupures régulières), de la sécurisation des données transmises, ainsi que de la corruption et du harcèlement qui sévit à l’encontre des scrutateurs présents dans les bureaux de vote. Par ailleurs, de nombreux Honduriens se sont plaints des falsifications des registres électoraux. Bien entendu, la FIDH a également rappelé le contexte de crise des droits de l’homme, de persécution et d’assassinats de candidats, de militarisation, dont nous avons donné un aperçu dans de précédents articles. C’est cette mosaïque d’informations que les citoyens étrangers auront l’opportunité de recueillir et consigner dans leurs rapports respectifs, après avoir été immergés en contexte électoral hondurien.
Un silence lourd de tensions
Après la cacophonie électorale qui s’est répandue en une marée de propagande, de diffamations et de calomnies entre candidats depuis le début de la campagne officielle, le silence électoral a pris place le lundi 18 novembre dernier à minuit. Celui-ci devrait théoriquement être observé jusqu’au lundi 25 novembre, alors que le recomptage des votes aura été accompli. Une estimation des résultats sera donnée dimanche 24 novembre aux environs de 18h45 (heure locale). Dans la bataille plus que féroce que se livrent actuellement les deux favoris, Xiomara Castro (LIBRE) et Juan Orlando Hernandez (Parti national, droite), la guerre psychologique a déjà bel et bien commencé, et les accusations de fraude semblent en être l’un des moyens. Ainsi, la tension est à son comble alors que les deux clans adversaires se disent déjà prêts à contester les résultats du scrutin dans la rue en cas de défaite de leur candidat favori.
Malgré l’écho des pronostics qui parcoure les rues sinueuses de Tegucigalpa, l’identité de la ou du futur(e) président(e) de la république hondurienne reste donc un mystère pour le moment. Si les drapeaux rouges du parti LIBRE côtoient volontiers les fanions bleus du Parti national dans les stands dressés en dernière minute sur les trottoirs, la réconciliation entre les partisans de ces deux forces politiques s’annonce plus complexe qu’un simple alliage de couleurs.