Les « Commentaires » d’Immanuel Wallerstein

Commentaire n° 487, 15 décembre 2018

Quand Trump s’effondre à vue d’oeil

lundi 18 février 2019   |   Immanuel Wallerstein
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Alors que l’élection américaine de 2020 commence à envahir les unes et les écrans, les spéculations grandissent sur la tournure qu’elle prendra. Se peut-il vraiment que Trump soit destitué ? Les démocrates vont-ils glisser encore plus à gauche, ou plutôt revenir vers le centre ? La base électorale de Trump est-elle solide ? Fidèle ? Jusqu’à quel point ?

Parce que je soutiens depuis longtemps la thèse d’un déclin continu et irréversible des États-Unis, on me demande sans cesse : mais alors, pourquoi Trump ne s’effondre-t-il pas ? Et s’il est en train de s’effondrer, le phénomène va-t-il devenir plus visible ? Auquel cas, prendra-t-il la forme d’un écroulement brutal, ou simplement d’un glissement continu ?

Cette question de la « visibilité » est envisagée différemment aux États-Unis et dans le reste du monde. Voyons l’une puis l’autre situation. Trump lui-même, dans ses tweets, donne une réponse ambiguë. D’un côté, son appel à « rendre sa grandeur à l’Amérique » implique qu’elle a connu un certain déclin, quoique réparable. C’est cette réparation que Trump prétend réaliser.

De l’autre, les sondages comme les innombrables analyses de la situation témoignent d’un recul de la confiance en l’avenir chez les Américains, y compris parmi les trumpistes les plus convaincus. Que le président passe autant de temps à fustiger les « fake news » trahit la préoccupation que lui inspire cette baisse de la confiance. Il met beaucoup d’énergie à convaincre tout le monde qu’elle est due à une mauvaise compréhension des données.

Jusqu’ici, aux États-Unis mêmes, le déclin de Trump fait débat entre toutes les tendances du spectre politique mais aussi au sein de chacune. La plupart des gens continuent de voir ce qu’ils ont envie de voir.

Il en va tout autrement quand on sort des États-Unis. Ne serait-ce que parce que chacun, là où il vit, est confronté au déclin sous une forme ou une autre : en Angleterre, avec le Brexit ; en France, avec le retour d’une longue tradition de révolte ; en Russie et en Inde, du fait des tensions économiques ; en Chine, parce que l’expansionnisme national rencontre une résistance croissante. Le fait est qu’on peine à trouver un pays qui ne soit aux prises avec son propre déclin. Voilà pourquoi, à l’étranger, l’argument d’une Amérique qui serait différente à cet égard ne prend pas.

En revanche, la réalité du déclin américain est si frappante, vue de ces pays, qu’il leur paraît exclu de rester les bras croisés. Ils redoutent un effondrement brutal du dollar, dans lequel ils voient le déclencheur possible de décisions guerrières inconsidérées. Ils craignent également d’être aussi impactés que les États-Unis en cas de krach monétaire.

Tout cela laisse augurer d’un effort conjugué pour que l’effondrement des États-Unis prenne la forme d’un glissement continu plutôt que d’une explosion. Mais ce glissement continu aura lieu à coup sûr.

 

Traduction : Christophe Rendu

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Ces commentaires, bimensuels, sont des réflexions consacrées à l’analyse de la scène mondiale contemporaine vue dans une perspective de long terme et non de court terme.





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