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Nicolas Maduro, le chauffeur de bus

lundi 8 avril 2013   |   Luis Hernández Navarro
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Nicolas Maduro est un robuste gaillard d’un mètre quatre-vingt-dix, à la moustache noire et broussailleuse. Il a été chauffeur de bus à Caracas pendant plus de sept ans, ministre des Affaires étrangères pendant six ans, et il est maintenant candidat à la présidence et président par intérim du Venezuela. Il fait partie de cette nouvelle génération de dirigeants latino-américains qui ont fait leur entrée en politique à partir des tranchées des luttes sociales de l’opposition. Tout comme l’ouvrier métallurgiste Luiz Inacio Lula da Silva et le responsable syndical des producteurs de feuilles de coca, Evo Morales.

Maduro est un révolutionnaire socialiste qui a su composer avec sa formation orthodoxe d’origine pour rejoindre l’ouragan hétérodoxe de la révolution bolivarienne. Un homme de gauche arrivé au pouvoir sans renoncer à ses principes. Un fidèle collaborateur d’Hugo Chavez qui s’est construit lui-même, et qui est maintenant au gouvernail de l’un des processus de transformation les plus profonds de l’Amérique latine.

La politique coule dans ses veines depuis son plus jeune âge. Il est né en 1962 à Caracas au sein d’une famille profondément engagée dans l’action collective publique. Son père fut l’un des fondateurs du parti social-démocrate Action démocratique (AD) et il dut fuir et se cacher après l’échec d’une grève dans le secteur pétrolier qu’il avait organisée en 1952 contre la dictature de Marcos Pérez Jiménez.

En 1967, Maduro assiste avec ses parents aux meetings du Mouvement électoral du peuple (MEP), né d’une scission de gauche au sein d’AD. Il participera un an plus tard aux rassemblements massifs de soutien populaire à la candidature de Luis Beltrán Prieto Figueroa. Maduro se confronte durant cette campagne au monde de la pauvreté et à celui des maisons en carton. C’est là que, pour la première fois, il prendra la parole en public du toit d’une voiture où son père l’aura juché avec un micro.

Indépendamment de l’influence paternelle, il se forge très tôt ses convictions politiques propres. Encore élève en CM1, il défend la révolution cubaine face aux critiques des religieuses qui enseignent dans son école. En guise de punition, il sera exclu des cours pendant trois jours et condamné à purger sa peine dans la bibliothèque. En fait, un cadeau inespéré pour ce garçon plein de curiosité qui dévorait tous les livres qui lui tombaient sous la main.

Loin de passer avec le temps, sa précocité politique ne fera que s’intensifier. À 12 ans, alors qu’il est encore lycéen, il commence à militer, sans que ses parents le sachent, dans le mouvement Rupture, structure publique du projet révolutionnaire de Douglas Bravo. L’époque est alors à l’effervescence de la jeunesse. Maduro participera ensuite sans discontinuer aux luttes des quartiers, à la création de ciné-clubs, aux mouvements syndicaux et aux conspirations populaires armées.

Bassiste du groupe de rock Enigma, il a vu dans les quartiers populaires comment beaucoup de jeunes de sa génération se sont laissé entraîner par le monde de l’argent facile, de la culture de la drogue, et comment certains sont devenus toxicomanes et ont perdu la vie dans des guerres de gangs. L’expérience le marquera à vie.

Nicolas Maduro, comme Hugo Chavez, est un excellent joueur de base-ball. Cependant, contrairement au commandant qui était un piètre danseur, il se défend bien sur une piste sur les rythmes de salsa.

La participation à des mouvements populaires lui servira d’université. Comme pour beaucoup d’autres de sa génération, sa formation intellectuelle est directement liée à son engagement dans les luttes révolutionnaires et de masse. Il a étudié les classiques du marxisme et analysé et interprété la réalité vénézuélienne à la lumière de leurs enseignements. Doté d’une extraordinaire capacité d’apprentissage, il a été simultanément autodidacte et dirigeant instruit par des années de participation politique organisée. Jusqu’à la victoire du chavisme, il a été régulièrement victime de la persécution politique, et il a littéralement vécu au jour le jour.

Il a participé à l’Organisation des révolutionnaires et à son bras politique, la Ligue socialiste, groupement révolutionnaire marxiste né d’une scission du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR). Son fondateur, Jorge Rodriguez, avait été assassiné en 1976 par les services de renseignement. Maduro se distinguera comme brillant organisateur et agitateur politique des masses.

En 1991, il commence à travailler au métro de Caracas. Plein d’entrain, avenant, charismatique et dévoué aux intérêts des travailleurs, il sera élu par ses camarades comme délégué syndical. Sa vocation pour un syndicalisme démocratique et de classe lui causera de nombreux problèmes au sein de l’entreprise, où il sera souvent sanctionné. Du Caracazo de 1989, il conservera en mémoire l’écho douloureux des lamentations sans fin des pauvres dans les rues, dont les proches avaient été assassinés.

Comme la plupart des Vénézuéliens, Maduro fera la connaissance de Hugo Chavez à la télévision, quand celui-ci assumera la responsabilité de l’insurrection militaire de 1992. Plus d’un an plus tard, le 16 décembre 1993, il le rencontre personnellement en prison, avec un groupe de travailleurs. Le lieutenant-colonel lui donne un nom clandestin – Verde - et lui confie la responsabilité de diverses actions conspiratrices. Lorsque Chavez sort de prison en 1994, Maduro se consacre à plein temps à l’organisation du mouvement.

Nicolas Maduro a siégé à l’Assemblée nationale constituante de 1999 qui rédigea la nouvelle Constitution. Il est élu député un an plus tard et porté à la présidence de l’Assemblée nationale en janvier 2006. Il en démissionnera quelques mois plus tard pour devenir ministre des affaires étrangères. A ce titre il sera un acteur central de la lutte pour l’avènement d’un monde multipolaire, pour l’intégration latino-américaine et la construction de la paix. Il devient ensuite vice-président de la République et assume, depuis le 5 mars, la présidence par intérim.

Maduro est marié à l’avocate Cilia Flores, de neuf ans son aînée. Figure éminente du chavisme, elle a été présidente de l’Assemblée nationale, vice-présidente du PSUV et procureur de la République. Elle a un fils unique, flûtiste, Nicolas Ernesto, et un petit-fils.

Choisi par Hugo Chavez pour être son héritier politique, Nicolas Maduro fera face à l’épreuve des urnes le 14 avril prochain. S’il en sort vainqueur, il devra relever le défi d’être le nouveau pilote de la révolution bolivarienne. Il devra résoudre des problèmes comme ceux de l’insécurité et de la corruption. Il devra assurer la continuité de l’héritage du commandant en combinant radicalité et innovation.

 

Source : http://www.jornada.unam.mx/2013/03/19/opinion/023a2pol





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