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Chantons en anglais !

vendredi 22 mai 2009   |   Bernard Cassen
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Les trois premiers lauréats du concours de l’Eurovision 2009, organisé samedi dernier à Moscou, représentaient, dans cet ordre, la Norvège, l’Islande et l’Azerbaïdjan. Si cette origine géographique n’avait pas été annoncée par les présentateurs du spectacle, il aurait été impossible de la deviner en écoutant ces artistes interpréter en anglais des chansons ayant respectivement pour titre Fairytale, Is it true et Always. La très grande majorité des autres candidats avaient d’ailleurs, eux aussi, choisi de chanter en anglais. Non sans mérite, Patricia Kass s’était, elle, exprimée dans sa langue (Et s’il fallait le faire), ce qui ne lui a pas réussi puisqu’elle a terminé 8e sur 25. L’Espagnole Soraya Amelas (la Noche es para mi) a fini avant-dernière…

Dans ce déni de la diversité linguistique - dont les responsables se gargarisent pourtant quand ils parlent de l’Europe -, le plus affligeant est qu’il résultait non pas du vote d’un jury restreint, mais de celui, émis par téléphone, de dizaines de milliers de téléspectateurs de tout le territoire. Même s’ils ne comprenaient ni le titre ni les paroles des chansons qu’ils écoutaient - ce qui devait être le cas de la très grande majorité d’entre eux -, ces électeurs avaient, tout comme les candidats, intériorisé l’idée qu’« anglais » est l’équivalent d’« international ». Et même que cette langue devient parfois une exigence nationale ! Ainsi, dans beaucoup d’entreprises françaises filiales de multinationales, les syndicats ont dû batailler ferme pour que les salariés conservent le droit de travailler dans leur langue.

L’encouragement au « tout anglo-américain » vient de haut. Ainsi Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a pu déclarer que, le français étant une langue en déclin, il fallait briser le tabou de l’anglais dans les institutions européennes, ainsi que dans les universités françaises, en rendant obligatoire l’enseignement de cette langue. Ce qui lui a valu un très mérité prix 2008 de l’Académie de la carpette anglaise, créée en 1999, où elle succède, entre autres, à Christine Lagarde, France Télécom, au groupe HEC, à Jean-Marie Colombani, Jean-Marie Messier, Alain Richard et Louis Schweitzer. Le même prix, mais « à titre étranger », avait été décerné à Ernest-Antoine Seillière (en 2006) et à Jean-Claude Trichet (en 2004).

Pour le prix 2009, nous proposons au jury la candidature de Nicolas Sarkozy. Même s’il parle à peu près aussi bien l’anglais que son ex-ami George Bush, le français, sa décision de réintégrer la France dans le commandement intégré de l’OTAN - où l’on ne communique que dans cette langue - nous paraît constituer un sérieux argument en sa faveur…




Article publié sur le site de l’Humanité



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