Mes petits enfants, c’est la dernière heure. Comme vous avez appris que l’antéchrist doit venir, aussi y a-t-il maintenant plusieurs antéchrists : par là nous connaissons que c’est la dernière heure.
Première épître de Jean, II, 18.
Il y avait déjà des antimémoires, des antiphrases, des antistrophes, sinon des antivols, des antidotes, des antibiotiques, des antimites, des antistress, et même des antiphonaires et de l’antimoine… Je vous propose, en augure pour l’année calendaire qui débute, de considérer un instant une nouvelle catégorie opportune : celle des antivœux. Ayant en effet décidé de ne plus sacrifier au rituel des « vœux », il m’est apparu souhaitable d’y substituer une forme différente de message. C’est la raison même de celui-ci.
Le premier antivœu est le suivant. Que l’espèce humaine poursuive et accélère encore sa course vers la disparition, comme elle y a si bien réussi dans la période récente ! Qu’elle s’éteigne enfin et complètement pour laisser respirer les autres vivants, débarrassés de son terrible joug, et reprendre possession d’une planète purifiée de son absence. Et que cela advienne par l’homme lui-même et grâce à une pandémie virale qui n’affectera que lui dans toute la création.
Mon deuxième antivœu est le subséquent. Qu’au triomphe de l’imbécillité en tout domaine succède celui de la confusion généralisée, hâtée par la prolifération des prothèses et orthèses numériques. Qu’à l’imbécillité économique, juridique, financière, sociale, environnementale, politique, morale, éducative, culturelle et religieuse dont le succès historique et prodigieux s’impose à chacun – qu’à cela s’ajoute et se combine idéalement une aphasie planétaire résultant de la neutralisation et de l’anéantissement de tous les modes de communication et langages humains. Que la Tour de Babel s’achève ainsi par la destruction programmée de la parole.
Un ultime antivœu pourrait ainsi résonner, empli d’espoir atypique… Que la faune et la flore libérées du génocide humain investissent tous les lieux et toutes les œuvres d’art de leur immémorial ennemi disparu ! Que les forêts primaires envahissent musées et galeries ; que les marais submergent les collections privées ; que les icebergs s’invitent à l’Ermitage, au Louvre et au Metropolitan ! Que « les bêtes » viennent se repaître avec délectation de Nymphéas, de Tournesols, de Carrés blancs sur fond blanc, de Danses macabres, de Descentes de Croix, d’Enlèvements d’Europe, de Caryatides grecques, d’Ancêtres sénoufos et de Gardiens de reliquaire fangs.
Bref, portez-vous bien sur notre lumineux sentier !
Antonio Zanchi, Saint Michel archange triomphe du démon, 1722.
Musée diocésain de Venise (détail, cliché de l’auteur)