Les « Commentaires » d’Immanuel Wallerstein

Commentaire n° 465, 15 janvier 2018

Un effondrement capitaliste discret ? La pré-panique s’installe

jeudi 1er février 2018   |   Immanuel Wallerstein
Lecture .

Le New York Times a suggéré que les gros détenteurs d’obligations – que ce soient les banques nationales ou privées – sont en train de réduire discrètement leur détention de titres, par peur de l’inflation nominale. Jusqu’à quel point cela peut-il être discret si les colonnes du New York Times en débattent ?

Tout le monde espère que personne ne va paniquer et vendre trop rapidement. Et si quelqu’un le fait, qu’il le fasse juste un tout petit instant après mes propres retraits discrets.

Bien entendu, personne ne veut se retirer trop tôt – et pas trop tard non plus. Aussi, lorsqu’on arrive à un moment de pré-panique, personne ne peut être sûr, ce qui garantit plus ou moins l’effondrement soudain du marché obligataire.

Nous savons que nous sommes dans une période de pré-panique lorsque nous en débattons. Mais pourquoi maintenant et pas avant ? Parce que les profits gonflés du marché ne reposant sur aucun accroissement réel de la plus-value ont permis de gagner une telle quantité de monnaie fiduciaire que le marché a rattrapé le marché obligataire. Et voilà pourquoi on se retire discrètement de ce marché obligataire.

En outre, les salariés rémunérés sont en quête de salaires plus élevés, partout. Tant de salariés ont été éjectés du marché du travail qu’il y a aujourd’hui une pénurie de main-d’œuvre disponible. Ce qui fait des obligations un refuge encore sûr. Confusion, confusion !

La tendance se développe à devenir plus protecteur : de soi-même, du pays. Et le but est de se renforcer. Même les pays qui font entendre un discours fortement défavorable au protectionnisme comme le Canada le pratiquent néanmoins ou subissent des pertes en politique intérieure.

Tout cela est ce qui arrive dans une crise structurelle du système-monde, dans lequel des variations insensées de n’importe quoi constituent la réalité. Les pré-paniques sont l’une de ces variations insensées.

 

Traduction : Mireille Azzoug

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Ces commentaires, bimensuels, sont des réflexions consacrées à l’analyse de la scène mondiale contemporaine vue dans une perspective de long terme et non de court terme.





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