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Où en est le mouvement altermondialiste ? Réflexions sur l’essoufflement

lundi 17 mars 2008   |   Christophe Ventura
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Article paru sur le site de La vie des idées  : www.laviedesidees.fr/Ou-en-est-le-mouvement.html

Commentaires d’un lecteur concerné, par Christophe Ventura

L’article d’ Eddy Fougier, politologue spécialiste de l’altermondialisme, constitue un travail sérieux, intéressant et bien documenté. Il s’inscrit dans le contexte de la sortie d’un ouvrage proposé par l’auteur : L’Altermondialisme (Le Cavalier bleu, collection « idées reçues », 2008)
Pour autant, l’analyse appelle plusieurs commentaires, certains factuels, d’autres plus politiques.
Tout d’abord sur les médias. La logique de ces derniers est ici décrite de manière appropriée pour le mouvement altermondialiste. Mais cela ne doit pas faire oublier un aspect fondamental du sujet qui n’apparaît pas : les médias dominants sont des agents actifs de l’idéologie néolibérale ( pas tous les journalistes pris comme personnes et professionnels). A ce titre, ils ne sont pas les relais de la contestation du système et en sont même un adversaire idéologique et, souvent politique. Le mouvement altermondialiste fait l’objet d’un traitement très classique de la part de ces médias. Beaucoup de mouvements ou de luttes sociales ont connu le même sort avant lui. Rien de nouveau sous le soleil. Les médias digèrent la contestation - dont ils présentent en général les aspects les plus "softs" et les plus inoffensifs pour l’ordre établi ("sub-culture", style de vie, valeurs positives, etc.) - lorsqu’ils en ont pressé tout le jus (y compris en termes de vente) et l’ont banalisée.
Mais le désintérêt des médias ne signifie pas pour autant la disparition d’un phénomène social ou politique.
Les mouvements contestataires peuvent même gagner, et c’est intéressant de le remarquer, des batailles politiques lorsqu’ils se battent aussi contre les médias. Ce fut le cas d’école de mai 2005 avec le traité européen.

Une critique importante peut être formulée au sujet de cet article. Elle concerne la question de la violence (qui revient plusieurs fois dans la première partie de l’ analyse). Présenter "les violences de l’antiglobalisation" comme "la principale menace sécuritaire pour les pays occidentaux", "une sorte d’intifada globale" avant 2001 est, pour tout dire, inacceptable. De plus, le registre de comparaison semble, quant à lui, bien mal choisi ("intifada", "dévaluation au profit du terrorisme islamiste")... Ces "violences", la plupart du temps déclenchées et orchestrées par les gouvernements, ont été une tentative de criminaliser ce mouvement. Cela aurait dû apparaître dans la démonstration. La narration proposée ici est, de ce point de vue, orientée et porte préjudice au mouvement altermondialiste.

Dans le déroulé historique, il y a une erreur. L’association Mémoire des luttes n’est pas "la création d’une nouvelle organisation en 2008" après la crise d’Attac. Mémoire des luttes existe depuis 2000 et dessine un périmètre d’activités qui va bien au delà de l’après-crise d’Attac.
Par ailleurs, sa thèse n’est pas la mort de l’altermondialisme ou des Forums sociaux. Nous pensons qu’il y a beaucoup d’acquis et des perspectives, dans le long terme, pour ce mouvement. Nous pensons en revanche qu’un nouveau contexte a émergé depuis son apparition et que de nouveaux sujets stratégiques se posent à lui. Pour y faire face, il s’agit moins de faire table rase du passé et de déclarer obsolètes l’ensemble de nos outils (comme les Forums), que de créer de nouveaux espaces propres à travailler la question de l’articulation entre mouvements sociaux, forces politiques et actions de gouvernement (les Forums, par nature, ne peuvent remplir cette fonction, et plusieurs acteurs qui participent à ce mouvement ne peuvent, pour des raisons structurelles et historiques, assumer cette orientation). C’est le sens de notre post-altermondialisme. Il ne vient pas se substituer à l’altermondialisme, mais le prolonger, et le reconfigurer. Il en est un essaimage. C’est pourquoi, tout en pointant justement l’idée d’"une fin de cycle", la réalité ne repose pas sur un face à face correspondant à une opposition mécanique autour de "la fin du consensus altermondialiste".

Nous aurons l’occasion de nourrir cette réflexion dans les semaines à venir.





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