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Haïti met à l’épreuve l’esprit de coopération

lundi 18 janvier 2010   |   Fidel Castro Ruz
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Dans cette réflexion datée du 16 janvier, Fidel Castro évoque la situation dramatique de Haïti, à partir notamment des témoignages fournis par les personnels médicaux cubains présents sur place depuis des années (environ 400) ou dépêchés en urgence. Il souligne que, au-delà de l’aide d’urgence, la question posée est celle de la poursuite, dans la durée, de l’esprit de coopération qui se manifeste aujourd’hui. Ce qui lui permet de faire le lien avec le fiasco de la conférence de Copenhague.

 

Les nouvelles qui parviennent d’Haïti confirment le grand chaos qu’on était en droit d’attendre dans la situation exceptionnelle engendrée par la catastrophe.

Surprise, étonnement, commotion dans les premiers instants, désir, dans les recoins les plus éloignés de la planète, d’apporter de l’aide sans retard… Qu’envoyer et comment le faire vers une petite île des Caraïbes depuis la Chine, l’Inde, le Vietnam et d’autres endroits situés à des dizaines de milliers de kilomètres de distance ? L’ampleur du séisme et la pauvreté du pays font naître, dans les premiers instants, des idées de besoins imaginaires qui donnent lieu à toutes sortes de promesses possibles que l’on s’efforce ensuite de concrétiser par tous les moyens.

Nous, Cubains, avons compris que le plus important était de sauver des vies, ce à quoi nous sommes entraînés face non seulement à des catastrophes de ce genre, mais aussi à d’autres désastres naturels de caractère sanitaire.

Des centaines de médecins cubains étaient déjà sur place, ainsi qu’un bon nombre de jeunes Haïtiens d’origine modeste, devenus de bons professionnels de la santé. C’est à cela que nous avons consacré notre coopération avec ce pays frère et voisin depuis de longues années. Une partie de nos compatriotes était toutefois en vacances au moment du séisme, tandis que des Haïtiens se formaient ou étudiaient à Cuba.

Le tremblement de terre a dépassé tous les calculs : les modestes demeures de pisé et de torchis – dans une ville de presque deux millions d’habitants – ne pouvaient pas résister. De solides bâtiments publics se sont effondrés, des îlots entiers se sont écroulés sur leurs habitants qui se trouvaient chez eux, alors que la nuit tombait. Ils furent ensevelis sous les ruines, vivants ou morts. Les personnes blessées qui remplissaient les rues réclamaient des secours. La force des Nations unies (MINUSTAH), le gouvernement et la police se sont retrouvés sans direction ni commandement. Ces institutions, employant des milliers de personnes, se sont attelées, dans les premiers moments, à la tâche de savoir quelles sont celles qui étaient en vie et où.

La première chose qu’ont faite nos médecins dévoués en Haïti et les jeunes spécialistes de la santé formés à Cuba, a été de communiquer entre eux afin de connaître leur sort et de savoir sur qui ils pouvaient compter pour aider le peuple haïtien dans cette tragédie.

Ceux qui étaient en congé à Cuba et les médecins haïtiens qui suivaient une spécialisation dans notre pays se sont aussitôt préparés à partir. D’autres experts cubains en chirurgie, qui avaient déjà rempli des missions difficiles se sont portés volontaires pour les accompagner. Ainsi, en moins de vingt-quatre heures, nos médecins avaient déjà soigné des centaines de patients. Aujourd’hui, 16 janvier, à peine trois jours et demi après la tragédie, ils avaient traité plusieurs milliers de victimes.

Ce samedi midi, 16 janvier, la direction de notre brigade nous a apporté les témoignages suivants, entre autres :

« Ce que font les camarades est vraiment digne d’éloges. Ils sont tous d’avis que ce qui s’est passé au Pakistan pâlit en comparaison [il y a eu là-bas un grave séisme où certains ont travaillé]. Là-bas, ils avaient dû soigner bien des personnes ayant souffert de fractures, parfois mal consolidées, ou l’écrasement de membres, mais ici cela dépasse tout ce que l’on peut imaginer : de nombreuses amputations . Il faut pratiquement amputer en plein air : c’est l’image de ce qu’ils avaient supposé pouvoir se passer pendant une guerre. 

« … L’hôpital Delmas 33 fonctionne déjà ; il compte trois blocs opératoires dotés de groupes électrogènes, des secteurs de consultation, etc., mais il est absolument saturé.

« …Douze médecins chiliens nous ont rejoints, dont un anesthésiste, ainsi que huit médecins vénézuéliens, et neuf religieuses espagnoles ; on attend d’un moment à l’autre dix-huit Espagnols auxquels l’ONU et le ministère haïtien de la santé publique avaient confié l’hôpital, mais dont les ressources d’urgence n’avaient pas encore pu arriver. Si bien qu’ils ont décidé de se joindre à nous et de commencer à travailler sans retard.

« …Trente-deux médecins haïtiens résidents ont été envoyés ici, dont six allaient partir directement à Carrefour, un endroit totalement dévasté. Les trois équipes de chirurgiens cubains qui sont arrivées hier ont aussi fait le voyage.

« …Nous opérons dans les installations médicales suivantes à Port-au-Prince : l’hôpital La Renaissance, l’hôpital de la Sécurité sociale et l’hôpital de la Paix.

« …Quatre centres de diagnostic intégral fonctionnent aussi. »

Ces informations donnent une petite idée de ce que font en Haïti les personnels médicaux de Cuba et ceux d’autres pays qui travaillent avec eux, parmi les premiers à être arrivés dans ce pays. Notre personnel est disposé à coopérer et à unir ses forces à celles de tous les spécialistes de la santé envoyés de partout pour sauver des vies dans ce peuple frère. Haïti pourrait devenir un exemple de ce que l’humanité peut faire pour elle-même. La possibilité et les moyens existent ; c’est la volonté, toutefois, qui fait défaut.

Plus l’on mettra de temps à enterrer ou à incinérer les morts, à distribuer des aliments et d’autres produits vitaux, et plus les risques d’épidémies et de violence sociale s’aggraveront.

Haïti permettra de vérifier combien de temps durera l’esprit de coopération, avant que ne l’emportent l’égoïsme, le chauvinisme, les intérêts mesquins et le mépris des autres nations.

Les changements climatiques menacent toute l’humanité. Le séisme de Port-au-Prince nous rappelle à tous, à peine trois semaines après, à quel point nous avons été égoïstes et suffisants à Copenhague !

Les pays observent de près tout ce qu’il se passe en Haïti. L’opinion publique mondiale et les peuples seront de plus en plus sévères et implacables dans leurs critiques.





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