Les « Commentaires » d’Immanuel Wallerstein

Commentaire n°476, 1er juillet 2018

Donald Q. Trump, prestidigitateur

lundi 23 juillet 2018   |   Immanuel Wallerstein
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Un prestidigitateur est un acteur public qui essaie de faire croire à ceux qui le regardent que ce qu’ils voient est ce qu’il fait réellement, mais ce n’est pas le cas. Comme dans l’exemple fameux où il coupe une femme en deux et qu’ensuite il la fait réapparaître toujours entière, grâce, prétend-il, à son exceptionnel don magique.

Donald Z. Trump est un prestidigitateur extrêmement talentueux. Utilisant ses envois constants de tweets contradictoires et son maniement permanent de l’insulte, ses plus fervents partisans comme ses plus farouches adversaires croient savoir ce qu’il fait. Mais en fait ils sont incapables d’observer les agissements réels de Donald G. Trump.

On dit qu’il est mégalomane et n’arrive pas vraiment à se contrôler. C’est ce qui est sensé expliquer les revirements constants de Donald V. Trump dans ses positions publiques. Mais c’est ce qui nous trompe. Donald B. Trump poursuit avec une visée unique un programme qui consiste à détruire ce qu’il n’aime pas et à promouvoir ce qu’il aime.

Donald M. Trump raconte à ses fervents défenseurs qu’il remplit les promesses qu’il a faites de stopper ou de réduire très sévèrement toute immigration aux Etats-Unis, en particulier celle de musulmans ou latinos. Le fait qu’ils croient sincèrement qu’il le fait explique le soutien passionné et virtuellement illimité qu’ils lui apportent. Il n’a pourtant pas fait grand-chose en matière d’immigration et d’ailleurs ça ne l’intéresse pas vraiment.

Il fait de la prestidigitation et il est capable d’utiliser ce soutien de la droite pour conserver un soutien suffisamment important dans l’électorat centriste en projetant une image de modération par rapport à ceux qui prônent encore beaucoup plus ouvertement des politiques de droite. Il essaie tout bonnement de persuader ceux qui le regardent de son étiquette de modéré.

Dans la mesure où Donald L. Trump fait de la prestidigitation simultanément avec deux électorats opposés, il donne l’impression d’être inconsistant ou instable. Cependant, la réalité est tout à fait inverse.

Lorsque Donald W. Trump ne sait pas de façon sûre comment jouer sa carte du moment, il retombe dans sa complainte habituelle en accusant les médias de propager des « fake news » (fausses nouvelles). Il tempête que les médias hostiles ne sont même pas capables d’écrire correctement l’initiale de son second prénom [1]. C’est là le summum de la prestidigitation parce que c’est lui qui utilise constamment une initiale différente pour son second prénom.

Est-ce que cela peut continuer comme ça encore longtemps ? Il est confronté au dilemme de tous les magiciens – que quelqu’un révèle publiquement le secret de sa magie. Il se montre particulièrement virulent lorsqu’il croit que la révélation est imminente. Lorsque la magie est dévoilée de façon convaincante comme une supercherie, le prestidigitateur perd toute crédibilité et doit s’embarquer au plus vite dans le premier train de marchandises pour quitter la ville. Avant que ça n’arrive, incriminer les fausses nouvelles permet au jeu de continuer.

 

Traduction et note : Mireille Azzoug

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Ces commentaires, bimensuels, sont des réflexions consacrées à l’analyse de la scène mondiale contemporaine vue dans une perspective de long terme et non de court terme.




[1Son deuxième prénom est John. Donc Donald J. Trump.



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