Lectures

FACE À LA CRISE

Derrière la « crise du siècle », la possibilité d’un monde nouveau

lundi 2 février 2009
Lecture .

Ancien directeur du Monde diplomatique, président de l’association Mémoire des luttes, Ignacio Ramonet souligne dans son nouvel ouvrage la faillite de la doctrine néolibérale et plaide pour un « socialisme du XXIe siècle » qui redonne l’initiative aux citoyens.

Le Krach parfait. Crise du siècle et refondation de l’avenir.

Éditions Galilée, 146 pages, 18 euros.

Les ouvrages autour de la crise sont désormais légion. Celui d’Ignacio Ramonet se distingue par sa qualité pédagogique. La séquence de la crise dite des « subprimes » (ou crédits hypothécaires immobiliers), aux États-Unis, y est replacée dans le temps long de l’histoire du néolibéralisme et de la financiarisation de l’économie. C’est au sein des équipes entourant les dictateurs Pinochet au Chili et Suharto en Indonésie qu’officient, au milieu des années 1970, les idéologues monétaristes dont les vues seront reprises et propagées en 1979 par Margaret Thatcher au Royaume-Uni, puis en 1980 par Ronald Reagan aux États-Unis, rappelle opportunément Ignacio Ramonet. À l’heure où la construction d’alternatives concrètes à la mondialisation néolibérale devient une urgence sociale, y compris dans les pays riches, désarmer toute prétention démocratique des néolibéraux constitue un enjeu stratégique de premier plan. Mais il ne suffit pas, évidemment, de décomplexer l’action collective. Il faut encore débusquer certaines impasses, a fortiori dans un contexte de retour au galop du politique. Dans le chapitre « La fabrique du krach », on prend ainsi la mesure de l’impact de « l’ère Internet » sur les esprits. C’est en effet par une approche du progrès des technologies de l’information et de la communication comme « promesse d’une croissance illimitée » que le néolibéralisme obtient la « conversion de la social-démocratie », au fil des années 1980 et 1990. La suite est connue : en 2001, la « bulle » Internet explose, amorçant un repli de l’économie que l’administration Bush, aux États-Unis, tentera de conjurer en encourageant les ménages modestes à investir dans l’immobilier. Le message de Ramonet est clair : il ne peut y avoir d’alternative sans effort pour arracher le progrès technique lui-même aux schémas néolibéraux. Et ce défi ne peut être relevé que sous l’impulsion politique des citoyens eux-mêmes. Face à la crise, l’ouvrage d’Ignacio Ramonet nous aide à prendre conscience de la nécessité de démocratiser l’économie à partir du débat sur les finalités de la production, et non uniquement à partir du refus, plus que légitime par ailleurs, de la spéculation.

Laurent Etre




Article paru le 28 janvier 2009 dans "L’HUMANITÉ" : http://www.humanite.fr/2009-01-28_Politique_Derriere-la-crise-du-siecle-la-possibilite-d-un-monde-nouveau