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Commentaire n° 490, 1er février 2019

Les cinq grands : s’accrocher au pouvoir

vendredi 29 mars 2019   |   Immanuel Wallerstein
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Lorsque les Nations unies ont proclamé leur Charte en 1945, elle incluait un privilège spécial pour cinq États-membres : le droit de véto au sein de son Conseil de sécurité. Pourquoi ces cinq États ? Il y avait une raison différente pour chacun d’entre eux. Mais peu importe. Les cinq grands – les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Union soviétique (aujourd’hui la Russie) et la Chine – ont toujours ce privilège, et il est peu probable qu’ils le perdent dans un futur prévisible.

Mais certaines choses ont fondamentalement changé depuis 1945. A l’époque les États-Unis étaient sans conteste le plus puissants des cinq, et dominaient largement les décisions de politique mondiale. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les États-Unis connaissent un déclin géopolitique continu depuis au moins les années 1970. La Chine, qui était relativement faible en 1945, a connu une forte ascension. Les dirigeants des États-Unis en particulier (mais c’est aussi le cas de ceux du Royaume-Uni et de la France) sont personnellement contraints de se battre pour conserver le pouvoir, tandis que les dirigeants de la Chine et de la Russie semblent moins se préoccuper du contrôle de la décision politique à l’intérieur de leur pays.

Ce retournement dans la stabilité intérieure a une conséquence majeure. Précisément parce que les dirigeants des trois premiers pays sont soumis à une aussi forte pression, ils concentrent toute leur énergie à essayer d’inverser par tous les moyens leur faiblesse. Et ils se livrent à un jeu largement futile où leurs agissements politiques sont imprévisibles. Cela conduit la plupart des dirigeants et des analystes politiques à se poser la question : que vont-ils faire ensuite ?

Les yeux du monde entier sont tout particulièrement braqués sur Donald Trump – un homme sans aucun principe, extrêmement volatile et personnellement médiocre et indifférent aux souffrances qu’il cause. Que va-t-il faire ensuite ? Personne ne le sait vraiment. La seule chose dont nous puissions être certains, c’est qu’il n’abandonnera pas ou qu’il n’admettra pas, en aucune façon, qu’il s’est trompé dans ce qu’il fait à un moment ou un autre. C’est ce qui fait de lui un homme à la fois très faible et très dangereux. Il est tellement arrogant qu’il croit que ses défaites sont des victoires parce qu’elles le maintiennent au sommet de l’espace médiatique.

 

Traduction : Mireille Azzoug

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Ces commentaires, bimensuels, sont des réflexions consacrées à l’analyse de la scène mondiale contemporaine vue dans une perspective de long terme et non de court terme.





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