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Justice pour les cinq prisonniers politiques cubains détenus aux Etats-Unis

vendredi 19 février 2010   |   Nadine Gordimer
Lecture .

Hier, mardi 16 février, j’ai rencontré les familles des cinq prisonniers politiques cubains détenus aux États-Unis depuis plus de 11 ans. D’emblée, j’ai pu mesurer le drame que vivent ces familles. Et ce que j’ai entendu confirme les informations que j’avais déjà.

Les 16 et 17 juin 1998, le gouvernement cubain avait invité deux importants responsables du FBI afin de leur remettre de nombreux documents où figuraient les preuves des actions dangereuses de certaines personnes résidant en Floride, et sérieusement impliquées dans le terrorisme contre Cuba. A ce jour, aucune d’entre elles n’a encore été interrogée par les autorités étatsuniennes, et cela malgré les preuves fournies au FBI.

Trois mois après, le 12 septembre 1998, cinq jeunes Cubains sont arrêtés à Miami par le FBI : Antonio Guerrero, Fernando González, Gerardo Hernández, Ramón Labañino et René González. Pour quel crime ? Celui d’avoir infiltré, au péril de leur vie, des groupes d’origine cubaine responsables de nombreux attentats qui ont coûté la vie à de nombreux innocents. Depuis 1959, le terrorisme contre le peuple cubain a causé la mort de 3 478 personnes, et 2 099 autres ont été handicapées pour le reste de leur vie.

Suite à un procès entaché de nombreuses violations du droit, les Cinq avaient été condamnés à un total de 4 condamnations à perpétuité, plus 77 ans, pour avoir combattu le terrorisme. Cela fait plus de 11 ans qu’ils sont incarcérés dans cinq prisons différentes de haute sécurité .

Ces cinq Cubains ont été soumis plusieurs fois à des traitements cruels, inhumains et dégradants. De leur arrestation au 3 février 2000, c’est-à-dire pendant 17 mois, ils ont été enfermés dans des cellules d’isolement, sans aucun contact ni avec les autres détenus ni avec les gardiens.

Le 27 mai 2005, le groupe de travail « Détentions arbitraires » des Nations unies avait dénoncé la détention des cinq Cubains comme « arbitraire », et il soulignait qu’elle violait les normes internationales. Il exigeait de fait que soit organisé un nouveau procès.

Le 9 août 2005, trois juges de la Cour d’appel du onzième Circuit d’Atlanta, cumulant à eux trois plus de 80 ans d’expérience, décidèrent à l’unanimité d’annuler le verdict du tribunal de première instance et réclamèrent un nouveau jugement.

Le 28 septembre 2005, le gouvernement des États-Unis demanda à toute la Cour d’appel, composée de 12 juges, de reconsidérer la décision du 9 août 2005, ce qui, selon des experts juridiques étatsuniens est une démarche très rare et peu commune.

Le 9 août 2006, après avoir subi de très fortes pressions politiques, la Cour d’appel rejeta la décision des 3 juges et renvoya, une fois de plus, le cas devant un panel de juges.

Le 20 août 2007, la défense lançait un nouveau procès en appel. En 2008, le panel composé de trois juges de la Cour d’appel d’Atlanta entérinait les verdicts de culpabilité des Cinq, en confirmant les peines prononcées contre Gerardo et René, mais en annulant celles de Ramón, Antonio et Fernando, considérées comme incorrectes. Les juges renvoyaient donc de nouveau les cas de ces trois derniers devant la Cour du district de Miami pour qu’ils soient rejugés.

À cette occasion, la Cour d’appel unanime avait reconnu qu’il n’existait aucune preuve d’une quelconque subtilisation ou transmission d’informations secrètes ou en lien avec la défense nationale.

En 2009, la Cour suprême des États-Unis, à la demande de l’administration Obama, a refusé de revoir le cas.

Les témoignages des familles démontrent la torture psychologique et morale auxquelles elles ont été soumises par le gouvernement et les autorités judiciaires étatsuniennes. Olga Salanueva, épouse de René González, ainsi qu’Adriana Pérez épouse de Gerardo Hernández, n’ont toujours pas été autorisées à rendre visite à leur époux. Le 25 juin 2002, après cinq ans d’attente, Adriana Pérez avait enfin obtenu un visa des Etats-Unis pour aller voir son mari emprisonné à Los Angeles. Mais, dès son arrivée aux États-Unis, le FBI l’a arrêtée, puis interrogée pendant 11 heures, avant de l’expulser vers Cuba sans qu’elle ait pu rendre visite à son compagnon. Cela fait plus de 11 ans qu’Adriana n’a pas vu Gerardo, et 10 ans qu’Olga ne voit pas René. Une telle cruauté est inacceptable.

Aujourd’hui, après avoir rencontré les familles des cinq Cubains, je suis en mesure d’évaluer la dignité et le courage de mères et d’épouses qui, avec une grande force de caractère, souffrent de cette violence inhumaine depuis plus d’une décennie.

Je veux joindre ma voix à la demande de justice pour ces cinq Cubains innocents. J’en appelle au gouvernement du président Obama pour qu’il les libère immédiatement. Je lance également un appel aux citoyens du monde : Il est temps de mettre un terme à la souffrance des cinq Cubains et de leurs familles.

 La Havane, le 17 février 2010

(Traduction par Esteba García)





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