Lectures

Ainsi nous parle Ignacio Ramonet

jeudi 5 mars 2009   |   Jacques De Decker
Lecture .

Une analyse des racines d’une crise sans précédent.
« Le Krach parfait » est une synthèse saisissante à ne pas ignorer.

Crise(s) et création sont les mots clés la 39e Foire du Livre de Bruxelles. Ils s’imposaient. Pourrait-il y avoir à cette gigantesque bascule une autre riposte qu’un sursaut d’inventivité, qui aurait au surplus la force d’ignorer les tabous et de repenser les fondements mêmes du système dans lequel nous nous démenons ? Des livres commencent à paraître qui abordent le problème. Certains, de circonstance, surfent sur l’événement comme l’édition opportuniste le fait. D’autres, heureusement, se fondent sur une réflexion plus autorisée, engagée depuis longtemps, mais trop souvent négligée, voire sous-estimée. C’est le cas de la pensée d’Ignacio Ramonet.

Ramonet anime depuis longtemps le Monde Diplomatique, publication française des plus estimées, au rayonnement international. Il y écrit des éditos vigoureux et pertinents qui dénoncent les excès du capitalisme effréné dont les conséquences catastrophiques n’échappent plus à personne aujourd’hui. Clamait-il pour autant dans le vide ? Certes pas, mais il permettait à des bobos intellos de se donner bonne conscience en fustigeant par la parole un état de fait qu’ils confortaient par le comportement.

Ramonet vient de publier un ouvrage qui interdit de s’obstiner à le considérer comme du poil à gratter pour gauchistes embourgeoisés. En reconstituant les antécédents qui nous ont menés au désastre actuel, en récapitulant les signes avant-coureurs, puis les préludes, puis les avertisseurs incontestables, il montre qu’il avait vu clair depuis longtemps mais que l’orientation marxiste de son approche interdisait de le cautionner.

Le Krach parfait, sous-titré « Crise du siècle et refondation de l’avenir », est une parfaite synthèse de son propos. Nous assistions, dit-il, à la fin d’une ère, celle « du capitalisme mafieux, et de la globalisation financière, dont les principales victimes, dans les pays développés, auront été les classes moyennes et les salariés », à la fin d’un système, processus terminal selon Prigogine qui disait que « quand un système dévie trop et trop souvent de sa situation de stabilité, il ne parvient plus à retrouver l’équilibre ». Tout remonte au 15 août 1971, jour fatal où Nixon décide de suspendre la convertibilité du dollar en or, et Ramonet de dénoncer les théoriciens responsables de cette rupture : Schumpeter, Hayek, Milton Friedman, les deux derniers ayant décroché le Nobel d’économie. Dès ce jour, les Etats ont commencé à s’effondrer. Etats dont on attendrait, quarante ans plus tard, qu’ils secourent ceux-là même qui avaient juré leur perte.

Un livre de cette qualité infléchira-t-il le cours de l’histoire ? Lorsqu’on songe que L’Horreur économique de Viviane Forrester, en 1996, a fait un tabac et n’a rien changé, on est enclin à penser que non. Mais à l’époque, on n’était pas le nez sur l’événement. Tandis qu’aujourd’hui




Article paru dans le quotidien Le Soir de Bruxelles du 27 février 2009.